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En résumé #164 : L’esprit-tri kit


Ne pas soutenir EBBH sur Tipeee ne ferait-il pas UN PEU le lit du fascisme ?
Je ne fais que poser la question.

👉 https://fr.tipeee.com/evidence-based-bonne-humeur


Lecture de l’épisode

Dans cet épisode, on questionne un phénomène : à droite, l’identité assumée paraît plus stable, tandis « qu’en face », il existe une tendance à remettre en cause la sincérité de ceux qui se disent de gauche. L’épisode interroge la symétrie apparente entre gauche et droite… donc (grosso modo) entre progrès social et statu quo, en suggérant que l’on peut se dire pour le progrès mais l’empêcher dans les actes. Ainsi, il ouvre une réflexion sur la difficulté de maintenir une cohésion autour du progrès, et sur les tensions internes que cela génère.

Le « N’empêche… » final exprime un doute, un malaise : cette vigilance, pourtant fondée, ne risque-t-elle pas d’affaiblir ce qu’elle veut protéger ? L’épisode pointe cette tension, sans la résoudre.

Il aurait pu s’appeler « le tri qui tue ? », mais ça manquait trop d’originalité !

En résumé #163 : Je ne vous jette pas là, Pierre !

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Cet épisode vous a plu, amusé, intrigué, ou fait réfléchir ?
Sachez qu’il est entièrement auto-produit, comme tous les autres.
👉 Si vous voulez me submerger de messages (ou de « Ta gueule » en CAPS LOCK),
faites-le via Tipeee !
💸Chaque don est lu, remercié, et (souvent) accompagné d’un petit cri intérieur de gratitude.
Je vous laisse, ça va être tout noir.

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Lecture de l’image

Il PARAÎTRAIT que je suis parfois UN PEU cryptique, et qu’on peut vite passer à côté du sens de certains épisodes « En résumé« . Tss. Bon, celui là n’échappe pas à la règle, puisqu’il implique aussi la nécessité d’avoir des références de très haut niveau culturel (RRRrrrr!!!, pour ne pas le nommer).

Alors une fois encore, je m’y colle et vous propose une lecture de l’image. Tout au moins telle que je l’ai pensée. Mais franchement, j’aimerais bien que vous preniez un peu le temps de « résoudre l’énigme » avant de vous jeter sur les explications (j’ai laissé mon fils devant, il a compris soudainement au bout de 2mn. Ma femme, non. Mais elle aime pas trop trop les jeux de mots.)

Dans le cult/null[choisissez]-issime RRRrrrr!!!, un personnage répète chaque soir « Ça va être tout noir ! », au point d’exaspérer tout le monde.

De plus, tous les personnages s’y appellent Pierre (âge de pierre oblige).


Chez moi, ils s’appellent visiblement Jean-Marcel.

Et ils répondent donc tous « Ta gueule » à celui qui, inquiet, serviable ou simplement pénible, les prévient en boucle que « Ça va être tout noir ! » (et de fait, il a raison : ça va être tout noir)
Rien que de très banal sur les réseaux sociaux, non ?

Le personnage va se plaindre au chef, disant « Chef, chef, les Jean-Marcel…».
(C’est là que ma femme décroche. Mais il suffit de le prononcer à haute voix pour comprendre.)

« les gens m’harcèlent »
Et le chef de lui répondre tranquillement, sur un ton paternaliste… « Mais non, P i e r r e. »

Conteste-t-il le harcèlement ? Lui rappelle-t-il simplement qu’à l’âge de Pierre, on ne peut pas s’appeller Jean-Marcel ? Who the fuck knows.



Alors, harcèlement, ou légitime ras-le-bol collectif ?

Sur les réseaux sociaux, il arrive très souvent (de plus en plus, même) qu’une personne vive comme un harcèlement ce que les autres considèrent comme de simples réponses contrariantes à un propos jugé absurde, provocateur ou juste pénible.
Quand l’un estime répondre « innocemment » (bien qu’inutilement agressivement ici, on en conviendra), l’autre y voit une volonté collective d’écrasement, d’humiliation ou de silenciation.
De fait, que chacun fasse cette réponse la rend de facto collective. Même si chacun ne fait qu’une réponse isolée, leur addition forme un effet de meute.

Qui a raison ?

Peut-être bien les deux, mon capitaine. Mais dès lors que l’une des deux parties le perçoit comme un harcèlement, c’est à dire le vit mal, peut-être convient-il de l’entendre, non ? Evidemment, chaque situation est unique, et la dénonciation d’un harcèlement ne doit pas à son tour devenir outil de silenciation. Mais en général, le premier problème qui se pose est la santé mentale de la personne qui subit de trop nombreuses contradictions, souvent virulentes ou insultantes. Et ça, psychologiquement, c’est une tornade. Would not recommend.

Je crains que le problème soit assez insoluble. Personnellement, l’usage même du mot « harcèlement » me gène. Car on s’en défend trop facilement en arguant de l’absence d’intentions. Je ne suis certainement pas au top sur le sujet, je sais qu’il existe tout un ensemble de termes désignant les pratiques, comme le dogpilling, ici. Mais celui-ci ne désigne que cette forme particulière de harcèlement, et la question de l’intention demeure.

L’intention ? Peut-on être victime sans qu’il y ait un coupable désigné ? Je pense que parfois, oui (mais on reste toujours coupable d’une réponse violente, menaçante ou insultante).

Bref, au delà du mot lui même, la seule chose qu’on peut espérer, c’est plus de lucidité sur la conséquence de ses contributions, même apparemment isolées, sur les autres. Et un questionnement sur ce qu’on vise exactement avec cet acte de langage : « Ta gueule ».

Car il y a fort à parier que chaque Pierre avait déjà bien entendu que le message avait déjà été passé.

Romain

Addenda : Delphine Besse me glisse judicieusement qu’on peut aussi se demander ce qu’il se serait passé si le Chef lui avait laissé finir sa phrase, au lieu de l’interrompre.

En résumé #161 : « Sciences, Humour et Scissions : deux trucs ! »

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Il y a aussi deux trucs très utiles que vous pouvez faire :
👉 Aller sur ma page Tipeee et me soutenir !

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📝 Note de l’auteur (moi)

Et tiens, quelques mots sur cet épisode (mais commence par t’en faire ta propre idée), qui met en scène une tension récurrente :

“Vous manquez d’engagement politique.”
“Vous ignorez les sciences humaines et sociales.”

Deux reproches, vraiment ? Ou plutôt un seul, formulé en deux temps ?

Le rondhomme de droite semble penser que ça n’en fait qu’un. Mauvaise foi tranquille, pirouette ironique… ou vrai point de vue ? Derrière cette réponse, une question implicite se dessine : à quel point peut-on s’impliquer dans les sciences sociales sans engagement politique ? Et, inversement, peut-on défendre une approche critique sans trop « se mêler de politique » ?

Le reproche, en parlant de “peu d’engagement” et de “faible intérêt”, traduit une attente forte : celle d’une pensée critique visible, politiquement militante, et ancrée dans les sciences humaines. …Mais la réponse suggère qu’on peut aussi concevoir une posture distanciée, voire délibérément non alignée — pas rattachée à une ligne militante, mais pas hors-sol non plus.

Ni dans le rang.
Ni faussement « neutre ».
Ni trop glycérine.
Glissante ou explosive, la position reste, toujours, délicate à tenir.

Le décor en cercles, lui, n’est pas là pour séparer, mais pour montrer que nous habitons des sphères différentes, parfois en dialogue, parfois en décalage. Même la mise en scène le suggère : le rondhomme de gauche s’enfonce un peu — soumis à la gravité de sa position. Celui de droite, lui, s’élève, porté par la légèreté d’une répartie amusante.

Mais derrière ce petit jeu d’équilibre, reste une véritable scission. Dramatique ? Non, vu d’ici, non. Mais bien réelle. Et dans cette planche, on ne cherche pas à la résoudre. On la regarde.

Et la note de bas de page ? Elle ne joue pas tout à fait sa propre partition : elle prolonge discrètement la réplique du personnage de droite. Car quand on reproche un manque d’intérêt pour “les SHS”, on pense rarement à l’archéologie ou à la géographie… Il y a souvent, derrière cette formule, une discipline implicitement désignée.
La note la mentionne… quatre fois.
Un bug ? Un aveu d’obsession ?
Une discrète pique sur son monopole symbolique dans certains discours critiques ?

Comme pour le reste de la planche : à toi de voir.
De choisir un camp ? Pas forcément 🙂


En résumé #160.1 et #160.2 : Place des Grands Hommes (nos futurs ?)

Un double En résumé, pour changer ! On y parle de nos opinions d’aujourd’hui (qu’on désavouera sûrement demain) et de notre avenir. Un peu de logique, un peu de punk, beaucoup d’humilité épistémique.

💜 Un grand pogo de gratitude à celles et ceux qui me soutiennent déjà sur Tipeee 💜
(Quant aux autres, peut-être regretterez vous dans 10 ans de ne pas l’avoir fait ?😏)

#160.1 : Mêmes pommes ?

#160.2 : Not Dead!

Cadeau pour les jeunes (souvenir pour les autres) : https://www.youtube.com/watch?v=yqrAPOZxgzU

Doute en Ronds aux REC 2025 + quelques nouvelles

Bon, les REC 2025 (Rencontres de l’Esprit Critique, Toulouse) sont passées ! (Et c’était génial, une fois encore. Que de gens bien, sympas et intéressants ! Encore une fois : un immense merci à Willy Lafran, le courageux organisateur, qui a dû faire cette année avec une baisse drastique de dotations.)

Mai : je me pose enfin, et dois maintenant faire le tri dans les très nombreuses et très magnifiques photos que m’a envoyées Quentin Hoyaux. Non sans le remercier aussi très chaleureusement pour avoir si bien immortalisé ce Doute en Ronds des REC 2025. Un an après ma première sur la scène des REC 2024, j’ai pu en présenter une version mûrie (qui était d’ailleurs la 13ème représentation sur scène [mais aucun projecteur n’est hélas tombé sur le public. Dommage, ça m’aurait fait une belle pub.]).

Avant de vous livrer ma sélection (10% à peine des photos reçues !), je vous signale que je donne quelques nouvelles en toute fin d’article. Pour celles/ceux que ça intéresse.

1.

2.

(Avec la formidable Fantine [sans Hippocrate], que ce coquin de sort [et moi-même] avons désignée pour me rejoindre sur scène. Merci encore à elle de s’être prêtée au jeu !)

3.

4.

Pfiou, ça fait quand même beaucoup de photos de moi, tout ça. J’enchaîne (tant qu’on y est) avec quelques nouvelles et un « point de situation » me concernant :

  • Des représentations sur scène pour l’Andra (voir ici) au musée d’Art Moderne à Troyes, à la médiathèque de Saint Vallier dans la Drôme ou encore à l’occasion de l’AG du comité local Drôme Ardèche Haute Loire de l’Afis, à Bourg-lès-Valence. Mais aussi en collèges, avec des 6èmes, des 4èmes et des 3 èmes, à Reims et Mourmelon. D’autres dates se calent, en particulier à l’occasion de la fête de la science en octobre : Reims (fac de sciences), Aube (Andra, encore), région lyonnaise (à préciser, mais certainement Lyon et Annonay). Le spectacle évoluant à chaque représentation, il me faut m’entraîner continuellement (c’est que pépère va avoir 50 ans cet automne), et je dois construire des versions adaptées (« à des publics particuliers« , « qui tient en une heure« , « qui peut se faire dehors« , etc.)
  • Une nomination au poste « transversal » de Délégué Général de l’Afis (annonce ici), après un an de présence au Conseil d’Administration. Grosso modo, il s’agit de consacrer désormais environ une journée par semaine à mettre de l’huile dans les rouages de l’association, pour faciliter l’articulation de ses nombreuses activités (rappel : des comités locaux, une revue trimestrielle (Science & pseudosciences), la maison d’édition Book-e-Book, une présence sur les réseaux sociaux, la chaîne youtube, les commissions thématiques, les projets pédagogiques… Il y a de quoi faire. D’ailleurs, on cherche des bonnes volontés pour nous aider -> me contacter sur delegue-general@afis.science)
  • « Un sceptique bien entouré » : la diffusion se poursuit tranquillement, les retours sont très bons, et il y a eu plusieurs réimpressions. Il vous est d’ailleurs dorénavant possible de laisser un avis sur https://www.book-e-book.com/livres/217-un-sceptique-bien-entoure-nhc001.html. N’hésitez pas 🙂
  • Un tome 2 ? Oui, c’est prévu pour 2026. Mais avancer est très compliqué, avec toutes les choses à faire. D’autant que je compte produire beaucoup d’inédits, pour lesquels je solliciterai de nouveaux spécialistes ! J’espère bien avancer pendant l’été. En attendant, faites découvrir le premier tome autour de vous ! Il plait beaucoup « en dehors de la bulle », et ça tombe bien, c’était son but. Mais encore faut-il que son existence soit connue 🙂
  • Des EBBH animés : depuis plusieurs années, je reportais cela par manque de temps. Mais c’est fait, je me suis formé à l’animation (bon, j’avais des bases, mais datant de 20-25 ans… les outils ont évolué depuis) pour pouvoir animer moi-même mes rondshommes. L’animation pour le tout premier clip de pub de Book-e-Book, Un sceptique bien entouré, avait été réalisée par Sylvain Rozier. Pour le second, à l’occasion de la sortie de « La mémoire refoulée », d’Olivier Dodier, je m’y suis donc collé moi-même.

Bref, je suis très occupé, et… ça va bien (nettement mieux que quand ça allait sensiblement moins bien). Entre le spectacle, la production d’épisodes EBBH et mon implication dans l’Afis (une association très mûre, remplie de gens sincèrement motivés, avec lesquels collaborer est un vrai plaisir), j’ai le sentiment d’avoir enfin trouvé ma place. Côté financier, c’est moins critique, avec « un début de revenus », que vos précieux dons sur Tipeee m’aident à compléter.

Romain

La mémoire refoulée (EBBH animé)

À l’occasion de la parution du livre « La mémoire refoulée », un nouveau livre d’Olivier DODIER chez Book-e-Book, j’ai conçu et réalisé un nouvel EBBH animé, intégré à la vidéo de présentation du livre :

Je vous invite donc à y jeter un œil, à mettre un pouce en l’air, et à aller trouver plus d’infos, voire à commander le livre, sur : https://www.book-e-book.com/livres/222-195-la-memoire-refoulee-n-58.html#/

A bientôt, pour de nouvelles aventures, tout en rondshommes 🙂

J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle (pour les graphistes)…

J’ai testé cette nuit le nouveau générateur d’images de Chat GPT 4o.

Bon ben c’est impressionnant. Je lui ai demandé des variations de cette image, que j’utilise pour présenter ma conférence spectacle Doute en Ronds (réalisée par Nicolas Valleron), dans différents styles.

J’ai fait l’ensemble en moins de 90 minutes, au lit, sur mon téléphone. Aucune retouche, ce sont les résultats bruts obtenus avec mes prompts.

En résumé #157 : Petite baisse de morale ?

Vous serez tenus moralement responsables du soutien financier bien utile que vous choisirez de m’apporter sur Tipeee.


1 café offert ☕ = 1 âme sauvée 👼


Offre temporaire, valable jusqu’à preuve du contraire

Et en cas d’allergie :

Polarisation (épisode #119)

🔥 Ne vous laissez pas enfermer dans une pensée binaire ! 🔥
La polarisation, c’est tout ou rien… mais vous, vous savez qu’être capable de nuance est essentiel. Alors, plutôt que de choisir entre ne rien donner et me couvrir d’or, faites un vrai choix d’esprit critique :💰 un don moyen, quelque part entre 0€ et le montant que vous jugeriez excessif ! 😏

(Quoi, ça se tentait, non ?) Dans tous les cas, merci pour votre soutien ! 🔥🔥🔥

En résumé #156 : La poule trouillarde et l’œuf radical

Marre de cette injustice (financière) ? Fous un grand coup de pied dans le statu quo en me soutenant, même modérément, sur Tipeee ou Paypal. Grâce à toi, je pourrai continuer à explorer ces dilemmes avec humour !

Elle dé-Pass, la Borne !

Ça y est, enfin ! Le gouvernement a pris une grande décision : finies, ces aides superflues qui étouffent l’économie et infantilisent les citoyens. Le Pass Culture ? On s’en passe !

Pass Culture, tickets restau… Pourquoi toujours laisser l’État choisir pour nous ? Donnez-nous plutôt cet argent directement, et on fera ce qu’on veut avec !

Aucun besoin de ce « Pass Manga » que le djeune claque en livres nuls ou en escape games idiots !



Hein ? Ah, on me souffle dans l’oreillette que seule la part collective du Pass Culture est suspendue. Et que la part individuelle, contrairement à ce qui se disait ces derniers mois, reste intacte. Oui, et alors ?

Alors… Toi qui as réagi en te réjouissant à la vue des mots « suppression », « Pass », « Aide » et « Culture » ? Alors ce n’est pas DU TOUT ce que tu crois (qu’on pourrait discuter, mais qui en l’occurrence est hors sujet). Et moi je soupçonne même le gouvernement d’avoir compté sur cette confusion… (ne me traitez pas de conspi, je fais part d’un simple *soupçon*)


(Et j’ignore le rôle exact d’Élisabeth Borne dans l’affaire, mais elle est ministre de l’Éducation Nationale, et le jeu de mot était trop évident)


La réalité, c’est que cette décision est (quasi littéralement) un coup de massue pour l’éducation, les acteurs qui font vivre ces projets, et bien entendu les élèves.

Permettez-moi de vous expliquer ce qu’est le Pass Culture, et pourquoi le gel de sa part collective est lourd de conséquences (Et après, seulement après, tu pourras te permettre d’émettre un avis un minimum éclairé sur cette décision, ok ?)


La part individuelle et la part collective du Pas Culture : 2 mondes à part !

Clarifions, parce que pour les gens qui ne sont pas concernés, c’est VRAIMENT très pas clair :

  • La part individuelle, c’est ce fameux crédit que chaque jeune (scolarisé ou non) reçoit : 20 € à 15 ans, 30 € à 16 et 17 ans, puis… 300 € à 18 ans.

Au total, 380 € par jeune, qu’il peut dépenser comme bon lui semble en produits ou activités jugées culturelles (Coût potentiel global ? 315 millions d’euros par an selon mon estimation [830.000 jeunes de chaque âge], rien que pour cette part).

  • La part collective, en revanche, est destinée aux collèges et lycées. Elle permet aux enseignants d’organiser des activités culturelles enrichissantes pour leurs élèves : théâtre, cinéma, conférences spectaculaires comme la mienne (!), expositions, etc. Chaque établissement reçoit une dotation de 25 € par élève pour l’année, soit jusqu’à environ 120 millions d’euros, selon l’utilisation des crédits (que tous les établissements n’utilisent pas intégralement) .
    Bon, je schématise, car c’est 25€ en collège, mais 30€ par élève de 2nde ou CAP, et 20€ seulement par élève de 1ere ou Terminale. Cherchez pas.

Le problème ? C’est que c’est la part COLLECTIVE qui vient d’être brutalement gelée (à 50 millions). Plus aucune nouvelle activité culturelle ne pourra être réservée et financée par les établissements scolaires pour le reste de l’année.

Et clair : tous les collégiens et lycéens sont privés de sortie pour le reste de l’année scolaire (sauf à ce que les activités soient allées jusqu’à leur validation finale sur la plateforme, avant le 31 janvier… jour de l’annonce brutale du gel…)


L’importance cruciale des sorties culturelles

Priver les élèves de sorties culturelles (incluant la science et l’esprit critique, hein), c’est leur enlever une expérience précieuse et unique : une sortie en groupe, entre enfants d’origines et de genres différents, dans un lieu avec des règles et des repères autres que ceux de leur environnement habituel. Ces sorties permettent aux jeunes de s’ouvrir à de nouvelles perspectives, de développer leur curiosité et leur capacité à interagir avec le monde extérieur. C’est bien plus qu’une simple pause dans l’emploi du temps : c’est une opportunité de grandir. C’est une partie importante du vivre ensemble. De plus, cette dotation, en offrant exactement les mêmes moyens à tous les établissements, était particulièrement égalitaire.

D’ailleurs, le Pass Culture collectif va même encore plus loin. Il favorise les rencontres : celles avec des artistes, des conférenciers, des créateurs.

Par exemple, mon offre « vitrine » (générique, quoi) pour l’exposition pédagogique « En route pour l’Esprit Critique », validée par la plateforme lundi… ne sera jamais réservée (malgré la demande d’un établissement dès mardi : le gel du Pass nous a pris de court pour concevoir et valider l’offre personnalisée). Ironie du sort : l’offre vitrine avait d’abord été refusée la semaine précédente parce que je n’y avais pas précisé que je proposais d’échanger durant deux heures avec les élèves, pour répondre à leurs questions sur l’esprit critique en tant que créateur. Ce type d’interaction (de « médiation») est un prérequis à la conformité d’une offre sur la plateforme.

Autre ironie : le soir même du gel, le lycée dans lequel j’espérais depuis longtemps intervenir m’a écrit, texto : « C’est dommage, j’avais plusieurs collègues qui souhaitaient vous faire venir« .

Oui, c’est dommage, je vous le confirme.


Un coup d’arrêt

Je travaille depuis des années à développer des activités de promotion de l’esprit critique : BD en ligne, livres, expositions, conférences spectacle : des outils pour stimuler la réflexion et la curiosité. Mais ces projets, relevant jusqu’ici principalement d’un « bénévolat contraint », n’ont pas toujours été simples à mettre en place…

Il y a deux ans, je me suis heurté à une réponse récurrente : “Vous n’êtes pas référencé Pass Culture ? Alors désolé, mais TOUT passe par là maintenant. Si vous voulez travailler avec des établissements scolaires, il faut vous y faire référencer !”. J’ai donc entamé le long et complexe processus de référencement sur ADAGE, la plateforme de gestion du Pass Culture collectif. Cela m’a pris plus d’un an, entre reports de commission et problèmes administratifs (le système informatique a « oublié » de reporter mon dossier sur 2024 🙂 ).

Enfin, à l’été 2024, j’ai obtenu le précieux sésame : mon agrément. Si les choses étaient compliquées jusque là, la plateforme, une fois qu’on en a compris le fonctionnement, est vraiment très bien faite.

Et j’ai pu en profiter… Deux fois. DEUX FOIS. Deux représentations en octobre, avec des élèves de 4ème et 3ème, puis de seconde. Les retours étaient vraiment très enthousiastes, et de nombreuses discussions sont (enfin, étaient) en cours pour d’autres projets cette année. Jusqu’à ce que le couperet tombe : gel total. (j’ai heureusement 2 interventions à venir, fin février, qui ont été validées à temps. Et 2 autres pour lesquelles le gel nous a fauchés comme un lapin en plein vol)


Une catastrophe pour tous

Ce gel budgétaire est un coup d’arrêt brutal non seulement pour moi, mais pour l’ensemble du monde culturel et éducatif. Imaginez-vous travailler à mettre en place un projet pour vos élèves depuis des semaines. Tout ça pour RIEN.
Pire : imaginez la situation des artistes ou acteurs culturels en face, qui comptaient bien légitimement sur ces prestations rémunérées…

  • Pour les établissements scolaires : Plus de nouvelles sorties culturelles. Les enseignants devront faire appel à des mécènes, au privé, aux parents, ou… au bénévolat ?
  • Pour les élèves : Un appauvrissement de leur parcours scolaire. Fini le théâtre, les expositions, les conférences. Alors que ces activités étaient l’occasion de découvrir de nouveaux horizons et d’apprendre différemment.
  • Pour les acteurs culturels : Beaucoup dépendent de cette part collective pour vivre. Une suppression aussi soudaine met directement leurs activités et survie financière en péril.

En termes budgétaires, rappelons que la part collective représente une somme modeste à l’échelle nationale : 25 € par élève, soit une fraction des 11.570 € qu’un lycéen coûte chaque année à l’État (chiffre officiel 2018).

Et ce, alors qu’un bon de 300€ reste offert à chaque jeune de 18 ans, qui est libre de l’utiliser à sa convenance individuelle (par exemple pour payer son entrée au Puy du Fou), là où l’usage de la part collective repose sur la concertation d’un acteur culturel, d’un professeur organisateur, et d’un chef d’établissement qui valide l’usage des crédits

Peut-être aurait-on pu réduire ce bon à 200€ ? En comptant environ un million de jeunes de 18 ans, ce gain aurait représenté 100 millions d’Euros : assez pour financer la part collective. Qu’il aurait par ailleurs été possible de restreindre également un peu (plafonnement des prestations, restriction du périmètre… que sais-je ?). Mais c’est une suspension totale et sans préavis qui a été décidée. « Sympa ».


Et maintenant ?

Le sol se dérobe un peu sous mes pieds, je ne vous le cache pas. Sentiment de trahison. Après des années à tenter de professionnaliser mon activité, qui m’occupe à temps plein, mes perspectives financières s’envolent en bonne partie. Il me reste heureusement quelques possibilités avec d’autres types de structures (associations, médiathèques, municipalités, peut-être?), mais j’avais orienté l’essentiel (et adapté mon spectacle) vers les établissements scolaires et les jeunes, avec lesquels je pense que la culture de l’esprit critique est la plus porteuse (à ces âges, le biais de confirmation a moins de matière première…).

Je me permettrai donc de renouveler un appel à celles et ceux qui le souhaitent et le peuvent : si vous souhaitez ME SOUTENIR et m’aider à traverser cette période difficile, vous pouvez le faire via Tipeee ou PayPal. Chaque contribution compte et me permet de continuer à créer, à partager et à diffuser l’esprit critique.

Ne dramatisons pas : la situation d’autres acteurs culturels est certainement bien pire, et il s’agit avant tout de tenir jusque l’automne (à supposer qu’ils rétablissent la part collective en septembre…). C’est tout de même une immense déception, car la période avril/mai/juin était la plus propice.

Des gens m’ont reproché (les réseaux sociaux sont toujours si sympas) d’avoir « fondé un business model sur des subsides de l’état », et que c’était bien con de ma part (merci). Alors, non. J’ai juste tablé sur la capacité des établissements scolaires à payer normalement les prestations qu’ils sollicitent, et suivi le seul chemin possible pour travailler avec eux. Comment aurais-je pu anticiper une décision aussi inattendue et illogique ? Et puis quoi, les élèves, on les abandonne ?


Pour conclure : une erreur à rectifier

Espérons que le gouvernement comprendra rapidement la gravité de cette décision irrationnelle. Couper net le financement d’une partie essentielle du Pass Culture revient à couper les ailes à toute une génération de jeunes. Les économies réalisées ici sont minimes face aux coûts d’une jeunesse moins cultivée, moins critique, moins préparée à affronter les défis du monde. Face au dégoût des enseignants. Et face à un peu plus de précarisation des acteurs de la culture et de la science.

Le gel du Pass Culture collectif n’est pas seulement une erreur, c’est une faute.


PS : je reçois à l’instant un mail m’indiquant que l’offre pour l’exposition « Croque-escroc & le rondhomme », réalisée conjointement avec l’ami Méta-Brouteur pour expliquer les techniques utilisées par les « brouteurs » et mettre en garde contre ces escroqueries, vient d’être acceptée et publiée sur la plateforme. Bon, puisqu’il est maintenant impossible de la réserver, ça nous fait une belle jambe. Tout au plus, ça permettra aux enseignants qui vont sur l’application d’en connaître l’existence, pour, peut-être, la présenter l’année prochaine. Mais qui va encore sur l’application, puisqu’il est maintenant impossible de l’utiliser pour mettre en place un projet culturel avec sa classe ? 🙃

J’en profite pour vous signaler que la culture, c’est bien plus que la culture. Avez-vous une idée du nombre de dossiers de surendettement dans lesquels la personne concernée finit par reconnaître du bout des lèvres qu’elle a donné son argent à un brouteur ? Il nous a été dit que c’était très, et de plus en plus, fréquent. Il faut donc informer et mettre en garde.

Oh bah dis.